Victor Hugo, ce monument de la littérature française, était aussi un grand voyageur. Dans les années 1830-1840, il effectue chaque année un séjour d’un mois loin de Paris, où il réside jusqu’en 1851. Lors de ses périples, Hugo adresse des courriers aux êtres chers, dont sa femme Adèle. En septembre 1837, alors qu’il revient de Belgique, l’homme de lettres lui fait ainsi part de ses impressions sur Calais. Hugo y a fait une courte étape « pour déjeuner« , avant de se rendre à Boulogne-sur-Mer. Le moins que l’on puise dire, c’est que Calais ne lui tape pas dans l’oeil ! Jugez plutôt :
« Calais est une de ces villes qui s’usent vite ; aussi lui met-on tous les jours des pièces de maisons neuves et de façades blanches. En somme, la ville n’a plus rien de sa vieille physionomie. Le beffroi est pourtant un assez amusant galimatias de petits clochetons, de petits pilastres et de petits arcs-boutants. Il en sort un petit carillon nain qui fait son duo comme il peut avec la grande voix de l’océan. L’église, qui est gothique et d’une assez belle époque, aurait du caractère si le clocher ne faisait l’effet d’une lorgnette à moitié rentrée en elle-même. Elle ne contient rien, hors un tableau remarquable de la Flagellation et un maître-autel en marbre qui est du dix-septième siècle par la date et du seizième par le style. » (Victor Hugo, Correspondance, 4 septembre 1837).
« Calais, ville qui s’use vite » pour Victor Hugo
L’appréciation globale que porte Victor Hugo sur Calais, ville qui « s’use vite« , n’est guère flatteuse. « S’user » renvoie en effet à quelque chose qui « se détériore, s’abime« , et en particulier, qui devient « improductif, stérile à force d’utilisation ». Tout comme « une terre qui s’use »… Hugo semble ensuite faire allusion au « développement urbain anarchique » (A. Derville, A. Vion) qui marque Calais au 19e siècle. Toutefois, les historiens notent que ce phénomène concerne surtout Saint-Pierre, à la faveur du développement de l’industrie du tulle. Quoi qu’il en soit, aux yeux de Victor Hugo, Calais apparaît comme une ville à l’identité incertaine et mouvante.
« Calais est dans un courant d’air »
On retrouve un autre coup de griffe de l’écrivain sur Calais dans une lettre à Adèle, datée du 5 septembre 1837. Il a alors visité Boulogne-sur-Mer : « J’ai été favorisé d’un plus beau soleil à Boulogne qu’à Calais où j’ai eu très froid. Calais est dans un courant d’air. »
Dans le détail, on note aussi les commentaires plus ou moins sarcastiques de Victor Hugo sur le beffroi de Calais. Ce dernier surmonte l’hôtel de ville alors situé près de la tour du Guet, à Calais-Nord. L’église Notre-Dame, pour sa part, manque de « caractère » avec son clocher particulier, et « ne contient rien« , ou presque…
En fait, de son bref séjour à Calais, Victor Hugo a surtout apprécié… la bière ! Il le déclare dans sa lettre du 4 septembre 1837 : « J’’ai bu d’excellente bière en effet à l’hôtel Dessin, à Calais. » Cet hôtel dans lequel il a sans doute déjeuné était alors un établissement réputé de la rue Royale. Et si la bière qu’il y déguste lui paraît si bonne, c’est surtout en comparaison de la bière belge. Replaçons en effet l’appréciation de Victor Hugo dans son contexte : « Si l’on me demande : Avez-vous bu de bonne bière dans votre voyage de Belgique ? je répondrai : Oui, en France. J’ai bu d’excellente bière en effet à l’hôtel Dessin, à Calais. En Belgique, toute leur bière, bière blanche de Louvain, bière brune de Bruxelles, a un arrière-goût odieux. »
En définitive, notre Victor Hugo national n’a pas gardé un souvenir impérissable de Calais ! La ville ne lui en tient pas grief : elle honore un grand boulevard de son nom, dans le quartier Nation…
Bonjour Anne-Sophie, et bienvenue sur Calais m’étonne ! Merci pour votre commentaire, et ravi de vous en apprendre davantage sur Calais !
Il me semble que c’est Victor Hugo qui a écrit : “Dieu n’avait fait que l’eau, mais l’homme a fait le vin.” Il aurait pu ajouter : « et la bière » 😉
Ah oui, c’est pétillant cela ! Merci pour ce commentaire avisé ! 🙂
Bon…heureusement que l’homme est grand! Même quand il n’est pas laudatif, on boit ses mots.
Oui, cela n’enlève rien à son talent ! Et même les plus grands ont leurs…petits travers !