Elle décroche le bac en 2008 avec 20 de moyenne générale, au lycée Saint-Pierre de Calais. Intègre dans la foulée le prestigieux Institut d’études politiques (« Sciences Po ») de Paris. Débute en 2015, à Londres, une carrière de consultante en développement international dans un cabinet de conseil, avec pour principaux clients la Commision européenne et le gouvernement britannique. Et un an plus tard, Noémie Calais, originaire de la cité des Six-Bourgeois dont elle porte le nom, plaque tout. Depuis 2018, la brillante jeune femme élève des porcs bio dans une ferme collective proche d’Auch, dans le Gers (Occitanie). Coup de folie ? Vous n’y êtes pas. La reconversion de Noémie s’inscrit à la confluence d’une réflexion intime sur le vivant et de problèmes de santé.
« Reconnexion au vivant »
Retour en arrière. Consultante pour des sujets de développement économique de divers pays, Noémie perçoit vite son travail comme « pas très concret et un peu déconnecté de la réalité du terrain« , confie-t-elle au quotidien Les Échos. Des ennuis de santé liés à la pollution atmosphérique, chimique et électromagnétique la conduisent aussi à questionner les liens entre environnement et santé publique. Ne pouvant plus résider en ville, la Calaisienne revient se mettre au vert en France, à travers des expériences de « woofing » : en clair, elle travaille dans des fermes bio en échange du gîte et du couvert. Sans connaissances préalables en agriculture. « Je ne savais pas faire la différence entre une oie et un canard », sourit-elle sur les ondes de France bleu. Mais Noëmie apprend, et en mettant les mains dans la terre, en s’occupant de potagers et d’animaux, elle dit s’être « reconnectée à quelque chose de très profond, très ancien ». Une « reconnexion au vivant », en somme.
Du bio et du circuit court
En 2018, un brevet professionnel de responsable d’exploitation agricole en poche, Noémie saute le pas. Elle s’installe dans une ferme collective du Gers pour y élever, seule aux manettes, des porcs noirs de Gascogne. « Une race rustique à croissance lente, élevée en moyenne deux fois plus longtemps que les autres porcs, ce qui confère à la viande son goût si savoureux », renseigne-t-elle sur son site internet. Un élevage bio en plein air couplé à une production de charcuterie fermière, le tout dans une logique de circuit court.
Un élevage qu’elle a financé à 70% par de l’emprunt bancaire et qui, s’il est source de joie, s’accompagne aussi de galères. Celle qui se considère comme une paysanne relate d’ailleurs son quotidien dans Plutôt nourrir : l’appel d’une éleveuse, un livre publié en septembre 2022*. Un livre ccoécrit avec un condisciple de Sciences Po, lui aussi établi dans une ferme collective. « Notre idée : être honnête sur la réalité de ce retour à la terre, sur les joies et les galères, et questionner la place de l’animal et de l’élevage dans le monde de demain, où nous devrons nourrir de plus en plus de monde malgré des ressources naturelles et fossiles finies », résume Noémie à nos confrères des Échos.
Retour à Sciences Po?
Épanouie dans son métier et dans sa vie à la campagne, Noémie aimerait toutefois consacrer du temps à enseigner « l’agriculture, l’agronomie, le rapport au vivant », exprime-t-elle le 24 février dernier sur France bleu. Et pourquoi pas à Sciences Po : « J’aimerais beaucoup y retourner pour donner quelques enseignements avec une expérience de terrain« , s’enthousiasme l’éleveuse. De quoi ramener une élite étudiante à ce qui lui fait peut-être souvent défaut : un rapport plus humble, plus essentiel, plus humaniste au monde et aux choses. On espère que l’institution de la rue Saint-Guillaume saisira la perche que lui tend Noémie Calais!
* Plutôt nourrir : l’appel d’une éleveuse, Clément Osé et Noémie Calais, Tana Éditions, 18,90€