Stockholm Concert Hall (Suède), 10 décembre 1983. Gérard Debreu, en tenue de cérémonie, écoute le discours de présentation de son prix Nobel d’économie. Une prestigieuse distinction, que le speaker motive ainsi : « Son apport de nouvelles méthodes analytiques à la théorie économique et sa rigoureuse formulation de la théorie de l’équilibre général« . L’émotion se lit sur le visage du sexagénaire, né à Calais le 4 juillet 1921 et mort à Paris le 31 décembre 2004. Comment est-il devenu le premier Français à décrocher le prix Nobel d’économie ? Un esprit brillant et curieux, un coup de pouce du destin : voilà deux éléments d’explication.
Un esprit brillant et curieux
La biographie de Gérard Debreu donne un aperçu de ses fortes capacités intellectuelles. Fils d’un petit industriel de la dentelle, il étudie au collège calaisien de la rue Leveux, jusqu’au bac. Il prépare ensuite les concours d’entrée aux grandes écoles scientifiques à Ambert, puis à Grenoble.
Premier à l’agrégation de mathématiques
À 20 ans, en 1941, le jeune homme intègre l’École normale supérieure de Paris, rue d’Ulm. Jusqu’en 1944, il y bûche les mathématiques et la physique. Après un engagement dans l’armée française (juin 1944-juillet 1945), l’étudiant est reçu premier à l’agrégation de mathématiques début 1946.
Intérêt pour l’économie
Il a alors commencé à s’intéresser à l’économie. « Un intérêt qui s’est transformé en engagement de toute une vie« , expliquera Georges Debreu dans son autobiographie de prix Nobel. Origine de ce coup de foudre intellectuel : la lecture de À la recherche d’une discipline économique (1943) de Maurice Allais. Ce dernier, prix Nobel d’économie en 1988, donne en effet une place nouvelle à l’analyse mathématique dans l’économie. Plus précisément, à l’analyse mathématique dans la théorie de l’équilibre général formulée par Léon Walras en 1874. Cette théorie repose sur le postulat suivant : sur un marché où règne la concurrence parfaite, les activités des consommateurs et des producteurs peuvent se coordonner grâce au mécanisme des prix.
Tiré au sort pour une bourse de recherches
En 1946, Gérard Debreu devient chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il effectue alors sa « conversion des mathématiques à l’économie« , sous la direction de Maurice Allais. Une conversion que scellera définitivement une pièce de monnaie.
« L’invitation était irrésistible »
En effet, fin 1948, Gérard Debreux et son condisciple Marcel Boiteux sont candidats à la bourse de recherches aux États-Unis que propose Maurice Allais. Un tirage au sort avec une pièce de monnaie désigne Gérard Debreu. Fin 1949, alors qu’il étudie à l’université de Chicago, celle-ci lui propose un poste de chercheur en économie. » Cette invitation était irrésistible. L’environnement (…) était extrêmement favorable pour le genre de recherches que je voulais faire« , expliquera Gérard Debreu en octobre 1983, au 20 heures d’Yves Mourousi.
Théorie de la valeur, un classique
Debreu a été le premier, avec l’américain Kenneth Arrow (Nobel d’économie en 1972), à justifier mathématiquement la théorie de l’équilibre général de Léon Walras. Son oeuvre majeure, Théorie de la valeur (1959), « fut pour quelques spécialistes une véritable révélation« , note l’universitaire Françoise Pichon-Mamère. « Son approche axiomatique est maintenant célèbre, même si elle a provoqué quelques critiques méthodologiques« , ajoute-t-elle.
Natif de Calais, Gérard Debreu a vécu et enseigné la plus grande partie de sa vie aux États-Unis. Il a d’ailleurs été naturalisé américain en 1974. La cité des Six-Bourgeois l’honore d’une impasse : l’impasse Gérard-Debreu, proche de la route de Gravelines. Faut-il y voir un pied-de-nez à son exil outre-Atlantique ?
Un brillant calaisien qui aurait sans doute mérité d’être reconnu par la ville de Calais d’une façon plus visible! pour un normalien de la rue d’Ulm, cacique d’agrégation, on aurait pu faire qu’un lycée ou une institution académique porte son nom!
Bonjour Gérard, bien d’accord avec vous ! Juste une impasse au nom de Gérard Debreu, c’est vraiment pas terrible !