C’est un peu comme si des militaires français tiraient sur la voiture d’un ambassadeur anglais de passage à Calais. Vous imaginez le gravissime incident diplomatique ! Et bien, ce genre de situation, le diplomate anglais Thomas Hoby l’a vécue en débarquant à Calais le 9 avril 1566. Dans une lettre datée du même jour, l’infortuné relate ainsi sa mésaventure : « Alors que nous venions de débarquer au port de Calais, un soldat de la garde, à la porte de la ville, a troué notre drapeau à deux endroits avec son arquebuse« .
Bien sûr, l’histoire des relations franco-anglaises a souvent été tumultueuse. Et Au Moyen Âge, Calais a été l’un des enjeux de la rivalité entre les deux États. Mais en 1566, cela fait huit ans que le duc de Guise a repris Calais aux Anglais (1558). Et deux ans que l’Angleterre a définitvement renoncé à ce « joyau » avec le traîté de Troyes (1564). Et puis, Sir Thomas Hoby n’est pas n’importe qui : c’est depuis le 15 mars 1566 l’ambassadeur de la reine Élisabeth 1ere à la cour du roi français Charles IX. Rencontrer ce dernier est d’ailleurs le but du voyage de Hoby en France : Calais n’est qu’un point d’entrée sur le territoire. Alors, pourquoi l’Anglais a-t-il été si mal accueilli ?
L’ambassadeur voulait voir les fortifications
On ne trouve pas (encore) d’explication, et Hoby lui même n’en livre pas. Il n’empêche : son étape à Calais n’était pas fortuite. Le diplomate souhaitait voir les nouvelles fortifications de la ville (l’actuelle citadelle) érigées à partir de 1560. Les autorités calaisiennes de l’époque avaient peut-être pressenti cela… Secret-défense, dirait-on de nos jours !
« Monsieur, il n’y a aucun passage »
D’ailleurs, la tentative de Hoby pour voir ces fortifications se révélera infructueuse. Ce 9 avril 1566, le lieutenant d’Argos accueille l’ambassadeur anglais à Calais. Il est au courant de l’incident des coups de feu : Hoby lui a fait parvenir l’information. Le diplomate raconte qu’il a cheminé avec le lieutenant « entre la ville et le port« . Et qu’ils ont « d’abord parlé de choses plaisantes« . Mais alors qu’ils prennent la direction des fortifications, D’argos invite à une ou deux reprises Hoby à faire demi-tour. L’ambassadeur fait mine de ne pas comprendre. Il signifie au militaire qu’il souhaite voir le nouveau dispositif de défense, et continue sa marche en avant. Mais sans doute aux environs de l’actuelle porte de Neptune, D’argos se montre ferme : « Monsieur, il n’y a aucun passage plus loin. Il y a là-bas des choses qu’aucun étranger ne peut voir« , s’entend dire Hoby. Il est contraint de rebrousser chemin.
Coups de feu : « sept ou huit suspects »
Seule consolation : D’Argos lui promet de faire le nécessaire pour retrouver l’auteur des coups de feu. Et un ou deux jours plus tard, le lieutenant annonce à l’ambassadeur qu’il a établi une liste de « sept ou huit suspects ». De là à trouver le véritable coupable et à le châtier, c’est une autre histoire !
Cet incident a en tout cas durement éprouvé le diplomate anglais. « Derrière cela, je vois la marque d’un début [de carrière] difficile« , notera-t-il plus tard. Un début difficile à Calais, et une carrière très courte : Thomas Hoby meurt trois mois plus tard à Paris, le 13 juillet 1566…
Bonjour Nicolas,
Article très intéressant comme tous les autres d’ailleurs. Le ton de votre blog est léger et empreint d’amour pour les histoires de cette ville. On sent le passionné d’écriture. Une belle découverte pour ma part. Hâte de continuer à vous lire !
Bonjour Céline,
Bienvenue sur Calais m’étonne ! Merci beaucoup pour votre commentaire très élogieux qui m’honore et m’encourage à poursuivre l’aventure ! Bien à vous.
Étonnante information une fois encore… Que de choses se sont déroulées à Calais !
Diplomate, une carrière difficile… 😉
Sait-on s’il est décédé dans l’exercice de ses fonctions ?
Bonjour Marie, merci pour votre commentaire ! Il est mort en effet comme ambassadeur. Peu après son passage à Calais, il a pris ses fonctions à Paris. Sa première rencontre avec le roi Charles IX, où Hoby lui a remis sa lettre de créance, ne s’est pas parfaitement déroulée non plus : en dépliant la lettre, le roi en a arraché un bon morceau. Thomas Hoby avait vraiment la poisse !